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Rubeus Hagrid Au bout d’une heure environ, Hagrid et Slughorn commencèrent à porter des toasts extravagants : à Poudlard, à Dumbledore, au vin des elfes et à…
— Harry Potter ! beugla Hagrid.
Il fit couler du vin sur son menton en vidant sa quatorzième chope de la taille d’un seau.
— Oui, c’est ça, s’écria Slughorn d’une voix un peu pâteuse. Parry Otter, l’Elu, le Survi… heu… quelque chose dans ce genre-là, marmonna-t-il, et il vida sa chope à son tour.
— Hagrid, vous n’avez pas donné votre avis, remarqua le professeur McGonagall. Qu’en pensez-vous ? L’école doit-elle rester ouverte ?
Hagrid, qui avait pleuré silencieusement dans son mouchoir à pois pendant toute cette conversation, leva ses yeux rougis et gonflés et répondit d’une voix rauque :
— Je ne sais pas, professeur… C’est aux directeurs de maison et à la directrice de Poudlard de décider…
— Le professeur Dumbledore attachait toujours beaucoup d’importance à votre point de vue, dit avec douceur le professeur McGonagall. Et moi aussi.
— Et les funérailles de Dumbledore ? demanda Harry, parlant enfin.
— Eh bien, dit le professeur McGonagall, la voix soudain tremblante, le ton radouci, je… je sais que c’était la volonté de Dumbledore de reposer ici, à Poudlard…
— Cette volonté sera donc respectée ? interrogea Harry d’un ton féroce.
— Si le ministère le juge opportun, répondit le professeur McGonagall. Aucun autre directeur, ni directrice, n’a jamais été…
— Aucun autre directeur, ni directrice, n’a jamais autant donné à cette école, gronda Hagrid.
— Poudlard doit devenir la dernière demeure de Dumbledore, assura le professeur Flitwick.
— Absolument, approuva le professeur Chourave.
— Dans ce cas, reprit Harry, vous ne devriez pas renvoyer les élèves chez eux avant l’enterrement. Ils voudront lui dire…
Le dernier mot s’étouffa dans sa gorge mais le professeur Chourave se chargea de le prononcer à sa place :
— … adieu.
Hagrid semblait avoir déposé avec précaution le corps sur la table de marbre. Il repartait à présent le long de l’allée, se mouchant avec des bruits de trompette qui lui attirèrent quelques regards scandalisés, dont celui, remarqua Harry, de Dolores Ombrage… Harry savait cependant que Dumbledore ne s’en serait pas formalisé. Il essaya d’adresser un geste amical à Hagrid au moment où celui-ci passait à sa hauteur mais ses yeux étaient si gonflés qu’on se demandait comment il parvenait à voir où il allait.
En les voyant, Harry sentait son coeur rayonner, se dilater de bonheur : il éprouvait pour chacun d’eux une extraordinaire affection, même pour Mondingus qu’il avait essayé d’étrangler lors de leur dernière rencontre.
La cage d’Hedwige, l’Éclair de feu et son sac à dos glissèrent d’entre ses genoux…
— Non ! HEDWIGE !
Le balai tournoyait déjà vers la terre, mais il parvint à saisir la sangle de son sac à dos et la poignée de la cage tandis que la moto pivotait à nouveau dans le bon sens. Il eut une seconde de répit puis un autre éclair de lumière verte jaillit. La chouette poussa un cri perçant et tomba sur le plancher de la cage.
— Non… NON !
La moto fonça tout droit. Harry vit des Mangemorts aux visages recouverts de capuchons se disperser sur le passage de Hagrid qui brisa brutalement leur cercle.
— Hedwige… Hedwige…
Mais la chouette était étendue, immobile, sur le plancher de la cage, tel un jouet pitoyable. Il n’arrivait pas à y croire et la peur qu’il éprouvait pour les autres fut à son comble.
— Attends un peu, intervint Hagrid en regardant autour de lui. Harry, où est Hedwige ?
— Elle… elle a été touchée, répondit Harry.
Tout à coup, il se sentit submergé en prenant conscience de la réalité : il eut honte de lui et des larmes lui montèrent aux yeux. La chouette avait été sa compagne, son seul lien direct avec le monde magique chaque fois qu’il avait été forcé de retourner chez les Dursley.
Hagrid tendit son énorme main et lui tapota l’épaule d’ans un geste douloureux.
— Ce n’est pas grave, dit-il d’un ton bourru, ce n’est pas grave. Elle a eu une belle vie…
— Salut, Hagrid, comment ça va ?
— Ça fait une éternité que je voulais t’écrire. Comment va Norbert ?
— Norbert ? s’esclaffa Charlie. Le Norvégien à crête ? On l’appelle Norberta, maintenant.
— Qu… Norbert, une fille ?
— Eh oui, dit Charlie.
— Comment peut-on le savoir ? interrogea Hermione.
— Elles sont beaucoup plus féroces, répondit Charlie.
Jamais encore il n’avait assisté à un mariage, il ne pouvait donc pas savoir en quoi les célébrations des sorciers différaient de celles des Moldus mais il était quasiment sûr que, chez ces derniers, on ne voyait pas de pièce montée ornée de deux petits phénix qui s’envolaient lorsqu’on coupait le gâteau, ni de bouteilles de champagne passant toutes seules parmi la foule des invités. À mesure que le soir tombait et que les papillons de nuit commençaient à s’engouffrer sous le dais, éclairé à présent par des lanternes flottantes, les réjouissances devenaient de plus en plus débridées. Fred et George avaient disparu depuis longtemps dans l’obscurité en compagnie de deux cousines de Fleur. Charlie, Hagrid et un petit sorcier trapu coiffé d’un canotier violet chantaient Odo le héros dans un coin.
Se faufilant dans la foule pour échapper à un oncle de Ron, manifestement ivre, qui se demandait
s’il n’était pas son fils.
Il allait revenir chez lui, revenir à l’endroit où il avait eu une famille. S’il n’y avait pas eu Voldemort, c’était à Godric’s Hollow qu’il aurait grandi et passé toutes ses vacances. Il aurait invité des
amis dans sa maison… Peut-être aurait-il eu des frères et des soeurs… Le gâteau de son dix-septième anniversaire aurait été préparé par sa mère. La vie qu’il avait perdue ne lui avait jamais semblé aussi réelle qu’en cet instant où il savait qu’il allait revoir le lieu dans lequel on l’en avait privé. Ce soir-là, après qu’Hermione se fut couchée, Harry sortit silencieusement son sac à dos du sac en perles et y chercha l’album de photos que Hagrid lui avait offert il y avait déjà si longtemps. Pour la première fois depuis des mois, il contempla les vieilles images sur lesquelles ses parents lui souriaient et lui adressaient des signes de la main. C’était tout ce qui lui restait d’eux, maintenant.