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Dobby Harry allongea l’elfe dans la tombe, disposa ses membres minuscules de façon à donner
l’impression qu’il se reposait, puis ressortit de la fosse et regarda le petit corps pour la dernière fois. Il s’efforça de contenir son émotion en se rappelant les funérailles de Dumbledore, les rangées interminables de chaises, le ministre de la Magie au premier rang, la longue liste des hauts faits du défunt, la majesté de la tombe de marbre blanc. Il sentait que Dobby méritait un enterrement tout aussi solennel et pourtant, l’elfe était simplement étendu là, entre des buissons, dans un trou grossièrement creusé.
— Je crois que nous devrions prononcer quelques mots, suggéra Luna. Je vais commencer, d’accord ?
Sous les regards qui s’étaient tournés vers elle, elle s’adressa à l’elfe mort, au fond de sa tombe :
— Merci, Dobby, de m’avoir arrachée de cette cave. Il est tellement injuste que tu aies dû mourir alors que tu étais si bon, si courageux. Je me souviendrai toujours de ce que tu as fait pour nous. J’espère que tu es heureux, à présent.
Elle se tourna vers Ron, attendant qu’il parle à son tour. Celui-ci s’éclaircit la gorge et dit d’une voix
rauque :
— Ouais… Merci, Dobby.
— Merci, marmonna Dean.
— Adieu, Dobby, murmura Harry.
Il fut incapable d’ajouter autre chose, mais Luna avait déjà tout dit à sa place.
— D’accord… Je veux que vous suiviez Drago Malefoy.
Indifférent à l’expression de surprise mêlée d’exaspération de Ron, Harry poursuivit :
— Je veux savoir où il va, qui il rencontre et ce qu’il fabrique. Je veux que vous le suiviez vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
— Oui, Harry Potter ! s’exclama aussitôt Dobby, ses grands yeux brillants d’excitation. Et si Dobby ne donne pas satisfaction, Dobby se jettera de la plus haute tour du château, Harry Potter !
— Ce ne sera pas nécessaire, affirma précipitamment Harry.
— Attends un peu, s’exclama brusquement Ron. On a oublié quelqu’un !
— Qui ? s’étonna Hermione.
— Les elfes de maison. Ils doivent tous être dans les cuisines, non ?
— Tu veux dire que nous devrions les envoyer au combat ? demanda Harry.
— Non, répondit Ron avec gravité. Je veux dire que nous devrions les évacuer, eux aussi. Nous ne
voulons pas de nouveaux Dobby, n’est-ce pas ? Nous ne pouvons leur donner l’ordre de mourir pour
nous…
Il y eut un grand fracas lorsque les crochets de Basilic tombèrent en cascade des bras d’Hermione.
Se ruant sur Ron, elle lui passa les bras autour du cou et l’embrassa en plein sur la bouche. À son tour,
Ron lâcha les crochets et le balai qu’il tenait entre les mains et lui rendit son baiser avec tant de fougue
qu’il la souleva de terre.
— C’est vraiment le moment ? interrogea Harry d’une voix timide.
Voyant que sa question n’avait d’autre effet que de resserrer l’étreinte de Ron et d’Hermione qui se
balançaient sur place en s’embrassant, il haussa le ton :
— Hé ! Il y a une guerre en cours !
Ils s’écartèrent un peu l’un de l’autre tout en restant enlacés.
— Je sais, mon vieux, répliqua Ron qui avait l’air d’avoir reçu un Cognard sur l’occiput, mais
justement : c’est maintenant ou jamais, tu ne crois pas ?
— La question n’est pas là. Qu’est-ce qu’on fait avec l’Horcruxe ? s’écria Harry. Si vous pouviez
vous retenir juste un peu… le temps qu’on retrouve le diadème ?
— Oui… d’accord… désolé…, répondit Ron.
Hermione et lui ramassèrent les crochets. Ils avaient tous deux le teint d’un rose soutenu.
Pour la dernière réunion de l’A.D. avant Noël, Harry arriva de bonne heure dans la Salle
sur Demande, ce dont il se félicita car, lorsque les torches s’embrasèrent, il vit que Dobby avait pris l’initiative de décorer les lieux à sa manière. Il sut tout de suite que c’était l’oeuvre de l’elfe : personne d’autre n’aurait eu l’idée de suspendre au plafond une centaine de boules dont chacune montrait une photo de Harry accompagnée de la légende :
VIVE LE POTTER NOËL !
— Tu as été merveilleux, Dobby. [Harry]
— Kreattur aussi a bien travaillé, ajouta Hermione avec gentillesse.
Mais loin de paraître reconnaissant, Kreattur détourna ses énormes yeux injectés de sang et regarda le plafond en lançant de sa voix croassante :
— La Sang-de-Bourbe parle à Kreattur, Kreattur va faire semblant de ne pas l’entendre…
— File d’ici, lui ordonna sèchement Harry.
Sa cicatrice continuait de le brûler mais il maîtrisait la douleur. Bien qu’il la ressentît, elle était comme séparée de lui. Il parvenait enfin à se contrôler, à fermer son esprit à Voldemort, ce que Dumbledore voulait précisément qu’il apprenne de Rogue. De même que Voldemort n’avait pas réussi à
posséder Harry pendant qu’il se consumait de chagrin pour Sirius, de même ses pensées ne pouvaient pénétrer son esprit en cet instant où il pleurait Dobby. La peine qu’il éprouvait semblait chasser Voldemort de sa tête… Mais Dumbledore aurait dit, bien sûr, que c’était plutôt l’amour…
— Qui êtes-vous ?
— Dobby, Monsieur. Dobby, rien de plus. Dobby l’elfe de maison, répondit la créature.
— Ah, vraiment ? dit Harry. Excusez-moi, je ne voudrais pas vous paraître discourtois, mais je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour recevoir un elfe de maison dans ma chambre.
— Oh, non, Monsieur, non… Dobby va devoir se punir très sévèrement pour être venu vous voir, Monsieur. Dobby devra se pincer les oreilles dans la porte du four pour avoir fait une chose pareille. S’ils l’apprenaient, Monsieur…
— Vous avez vu comment c’est, ici ? dit-il. Vous comprenez pourquoi il faut que je retourne à Poudlard ? C’est le seul endroit où j’ai… enfin, où je crois avoir des amis.
— Des amis qui n’écrivent même pas à Harry Potter ? dit Dobby d’un ton sournois.
— J’imagine qu’ils ont dû… mais au fait… dit Harry en fronçant les sourcils. Comment savez-vous que mes amis ne m’ont pas écrit ?
— Et moi qui pensais que c’était un triste sort d’avoir à passer encore quatre semaines ici, dit-il. A côté, les Dursley ont presque l’air humain.