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Kreattur — Voldemort a toujours considéré la vie des elfes de maison indigne de son attention, à la manière des Sang-Pur qui les traitent comme des animaux… Il ne lui serait jamais venu à l’esprit qu’ils puissent posséder des pouvoirs magiques dont il ne disposait pas lui-même.
Ils avalèrent leur petit déjeuner et remontèrent l’escalier. Kreattur s’inclina sur leur passage en leur
promettant une tourte au boeuf et aux rognons, à leur retour.
— Qu’il soit béni, dit Ron d’un ton affectueux. Quand je pense qu’à un moment, je m’étais mis dans
l’idée de lui couper la tête et de l’accrocher au mur…
— J’ai toujours affirmé que les sorciers payeraient un jour la façon dont ils traitent les elfes de maison. Eh bien, c’est ce qui est arrivé à Voldemort… Et aussi à Sirius.
Lorsque Harry montra la Baguette de Sureau, Ron et Hermione la contemplèrent avec une révérence
que, même l’esprit brouillé par le manque de sommeil, il n’aimait guère.
— Je n’en veux pas, dit-il.
— Quoi ? s’exclama Ron. Tu es dingue ?
— Je sais qu’elle est puissante, reprit Harry d’un ton las. Mais j’étais plus heureux avec la mienne.
Alors…
Il fouilla dans la bourse accrochée à son cou et en sortit les deux morceaux de bois de houx, tout
juste reliés par un mince filament de plume de phénix. Hermione disait qu’on ne pouvait pas la réparer,
que les dégâts étaient trop importants. Tout ce qu’il savait, c’était que si cela ne marchait pas cette fois-ci,
rien ne marcherait jamais.
Il posa la baguette brisée sur le bureau du directeur, la toucha avec l’extrémité de la Baguette de
Sureau et dit :
— Reparo.
Sa baguette se reconstitua alors, et des étincelles rouges en jaillirent. Harry sut qu’il avait réussi. Il
prit la baguette de houx à la plume de phénix et sentit une soudaine chaleur dans ses doigts comme si sa
main et la baguette magique se réjouissaient d’être à nouveau réunies.
— Je vais remettre la Baguette de Sureau là où elle était, dit-il à Dumbledore qui le regardait avec
une immense affection, une immense admiration. Elle peut bien y rester. Si je meurs de mort naturelle,
comme Ignotus, son pouvoir sera brisé, n’est-ce pas ? Son dernier maître n’aura jamais été vaincu. Ce
sera sa fin.
Dumbledore approuva d’un signe de tête. Ils échangèrent un sourire.
— Tu es sûr ? demanda Ron.
Il y avait une légère trace de convoitise dans sa voix, tandis qu’il regardait la Baguette de Sureau.
— Je crois que Harry a raison, murmura Hermione.
— Cette baguette cause trop d’ennuis pour ce qu’elle vaut, reprit Harry Et très sincèrement – il se
détourna des portraits, ne pensant plus qu’au lit à baldaquin qui l’attendait dans la tour de Gryffondor et
se demandant si Kreattur ne pourrait pas lui apporter un sandwich là-bas –, j’ai eu suffisamment
d’ennuis pour le reste de mes jours.
— Qui est Kreattur ? demanda-t-il.
— L’elfe de maison qui vit ici, répondit Ron. Un vrai dingue. Jamais vu ça.
Hermione se tourna vers lui en fronçant les sourcils.
— Ce n’est pas un dingue, Ron.
— L’ambition de sa vie, c’est qu’on lui coupe la tête et qu’on la mette sur une plaque comme celle de sa mère, répliqua Ron d’un ton agacé.
— Apparemment, elle déteste les hybrides. L’année dernière, elle a fait campagne pour qu’on recense les êtres de l’eau et qu’on les marque. Vous vous rendez compte ? Perdre son temps et son énergie à persécuter les êtres de l’eau alors que des immondices comme Kreattur ne sont pas inquiétées ?
— Kreattur est un immonde… menteur… il mérite…
— Kreattur est ce que les sorciers en ont fait, Harry, répondit Dumbledore. [...] Sirius ne détestait pas Kreattur, il le considérait simplement comme un serviteur qui ne mérite pas beaucoup d’intérêt. L’indifférence, la négligence, font parfois beaucoup plus de dégâts que l’hostilité déclarée… La fontaine que nous avons détruite cette nuit racontait un mensonge. Nous les sorciers avons maltraité trop longtemps les êtres qui nous sont proches et nous récoltons aujourd’hui ce que nous avons semé.
Les elfes de maison de Poudlard se répandirent dans le hall d’entrée, hurlant, brandissant des
couteaux à découper et des hachoirs. Kreattur, le médaillon de Regulus Black rebondissant sur sa poitrine, menait la charge, et malgré le tumulte, on entendait sa voix de crapaud :
— Battez-vous ! Battez-vous ! Battez-vous pour mon maître, le défenseur des elfes de maison !
Battez-vous contre le Seigneur des Ténèbres, au nom du courageux Regulus ! Battez-vous !
Agité et irritable, Ron avait contracté une manie agaçante qui consistait à
jouer dans sa poche avec le Déluminateur. Hermione en était particulièrement exaspérée car, pour passer
le temps en attendant le retour de Kreattur, elle étudiait Les Contes de Beedle le Barde et n’appréciait
guère que les lumières ne cessent de s’éteindre et de se rallumer.
— Tu vas arrêter ça, oui s’écria-t-elle.
C’était la troisième soirée d’absence de Kreattur et les lumières venaient à nouveau de s’éteindre
dans le salon.
— Désolé, désolé ! répondit Ron en actionnant le Déluminateur pour rallumer les lampes. Je le fais
sans y penser.
— Tu ne pourrais pas trouver quelque chose de plus utile pour t’occuper ?
— Quoi, par exemple ? Lire des contes pour les mômes ?
— Dumbledore m’a légué ce livre, Ron…
— Et moi, il m’a légué le Déluminateur. C’était peut-être pour que je m’en serve !
— Bon, alors, je vous interdis de vous battre, tous les deux ! Ou plutôt, Kreattur, je t’interdis de te battre avec Dobby. Dobby, je sais bien que je n’ai pas le droit de te donner d’ordres…
— Dobby est un elfe de maison libre, il peut obéir à qui il veut et Dobby fera tout ce que lui commandera Harry Potter ! assura Dobby.
Des larmes ruisselaient à présent sur son petit visage fripé et coulaient sur son pull.
— O.K., dit Harry.